samedi 26 avril 2008

228. Vinicius de Moraes : Recette de femme et autres poèmes

Vinicius de Moraes, Recette de femme et autres poèmes.

Vinicius de Moraes, Recette de femme :

Que les très laides me pardonnent mais la beauté est fondamentale. Il faut dans tout cela qu'il y ait quelque chose d'une fleur, quelque chose d'une danse, quelque chose de haute couture dans tout cela (ou alors que la femme se socialise élégamment en bleu comme dans la République populaire chinoise). Il n'y a pas de moyen terme. Il faut que tout soit beau. Il faut que, tout à coup, on ait l'impression de voir une aigrette à peine posée, et qu'un visage acquière de temps en temps cette couleur que l'on ne rencontre qu'à la troisième minute de l'aurore. Il faut que tout cela soit sans être, mais que cela se reflète et s'épanouisse dans le regard des hommes. Il faut, il faut absolument que tout soit beau et inespéré. Il faut que des paupières closes rappellent un vers d'Eluard, et que l'on caresse sur des bras quelque chose au-delà de la chair ; et qu'au toucher ils soient comme l'ambre d'un crépuscule. Ah, laissez-moi vous dire qu'il faut que la femme qui est là, comme la corolle devant l'oiseau, soit belle, ou qu'elle ait au moins un visage qui rappelle un temple ; et qu'elle soit légère comme un reste de nuage : mais que ce soit un nuage avec des yeux et des fesses. Les fesses c'est très important. Les yeux, inutile d'en parler, qu'ils regardent avec une certaine malice innocente. Une bouche fraîche (jamais humide), mobile, éveillée, et aussi d'une extrême pertinence. Il faut que les extrémités soient maigres, que certains os pointent, surtout la rotule, en croisant les jambes et les pointes pelviennes lors de l'enlacement d'une taille mobile. Très grave toutefois est le problème des salières : une femme sans salières est comme une rivière sans ponts. Il est indispensable qu'il y ait une hypothèse de petit ventre, et qu'ensuite la femme s'élève en calice et que ses seins soient une expression gréco-romaine, plus que gothique ou baroque, et qu'ils puissent illuminer l'obscurité avec une force d'au moins cinq bougies. Il faut absolument que le crâne et la colonne vertébrale soient légèrement visibles et qu'il existe une grande étendue dorsale... Que les membres se terminent comme des hampes, mais qu'il y ait un certain volume de cuisses. Qu'elles soient lisses, lisses comme des pétales et couvertes du duvet le plus doux, cependant sensible à la caresse en sens contraire. Les longs cous, sans nul doute, sont préférables, de manière à ce que la tête donne parfois l'impression de n'avoir rien à voir avec le corps et que la femme ne rappelle pas les fleurs sans mystère. Les pieds et les mains doivent contenir des éléments gothiques discrets. La peau doit être fraîche aux mains, aux bras, dans le dos et au visage mais les concavités et les creux ne doivent jamais avoir une température inférieure à 37° centigrades, capables, éventuellement, de provoquer des brûlures du premier degré. Les yeux, qu'ils soient de préférence grands et d'une rotation au moins aussi lente que celle de la terre ; qu'ils se placent toujours au-delà d'un mur invisible de passion qu'il est nécessaire de dépasser. Que la femme, en principe, soit grande ou, si elle est petite, qu'elle ait l'altitude mentale des hautes cimes. Ah, que la femme donne toujours l'impression que si ses yeux se ferment, en les ouvrant, elle ne serait plus présente avec son sourire et ses intrigues. Qu'elle surgisse, qu'elle ne vienne pas, qu'elle parte, quelle n'aille pas.

Et qu'elle possède un certain pouvoir de rester muette subitement, et de nous faire boire le fiel du doute. Oh, surtout qu'elle ne perde jamais, peu importe dans quel monde, peu importe dans quelles circonstances, son infinie volubilité d'oiseau et que, caressée au fond d'elle-même, elle se transforme en fauve sans perdre sa grâce d'oiseau ; et qu'elle répande toujours l'impossible parfum ; et qu'elle distille toujours le miel enivrant ; et qu'elle chante toujours le chant inaudible de sa combustion et qu'elle ne cesse jamais d'être l'éternelle danseuse de l'éphémère ; et dans son incalculable imperfection qu'elle constitue la chose la plus belle et la plus parfaite de toute l'innombrable création.


Vinicius de Moraes récitant O Haver (participation d'Edu Lobo) :




Vinícius de Moraes, Soneto de Fidelidade sur l'air de Eu Sei Que eu Vou Te Amar avec Tom Jobim au piano :




Vinicius de Moraes, PoétIca :




Vinicius de Moraes, O mais que perfeito :




Vinícius de Moraes, Soneto do Amor Total :




Vinícius de Moraes, Poema de Natal :




Vinicius de Moraes, Soneto de despedida et Soneto de separação (Tom Jobim au piano) :




Vinícius de Moraes, Feijoada à minha moda :





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Page réalisée par Philippe Costa.



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