lundi 25 mai 2009

317. Le chanoyu (cérémonie du thé)

« CÉRÉMONIE DU THÉ » ET VOIE DU THÉ : VUE D’ENSEMBLE − Ce que les Occidentaux appellent « cérémonie du thé » se nomme au Japon chanoyu. Chanoyu signifie littéralement « eau chaude du thé ».

Le chanoyu est d’abord « une méthode de réalisation personnelle » (selon Kakuzo Okakura in Le Livre du thé, 1906). A l’origine, il a été utilisé par les moines zen et il continue de l’être aujourd’hui. On le nomme alors chadô (voie du thé).

Au fil du temps, pour la plupart de ceux qui s'y consacrent, le chanoyu est devenu une pratique socio-culturelle profane située au confluent de plusieurs arts traditionnels. Mais du fait qu’à certaines époques le chadô a été pratiqué par de grands samouraïs parallèlement au bushidô (voie des guerriers) pour se préparer au combat, il a aussi souvent été associé à l’idéologie ultranationaliste de l’époque moderne. Par son ouverture sur les arts et sur la nature, par son esthétisme raffiné et la sérénité qu’il procure, mais aussi par son formalisme, la précision et l’extrême rigidité de ses codes et somme toute par les étonnants contrastes qui lui sont liés, le rituel du thé reflète très fidèlement l’esprit japonais. « Le Japon est le pays où le contraire est vrai », affirmait Robert Guillain, un historien de renom.

BREF HISTORIQUE − Au Japon, l'importation du thé vert en poudre, le matcha, en provenance de Chine, commence vers la fin du XIIe siècle. Il obtient rapidement un franc succès chez les aristocrates et parmi les moines zen. Ces derniers s'en servent durant les séances de zazen pour lutter contre le sommeil. Mais on l'utilise surtout comme remède à des maux divers car il est très cher.

Sous les shôguns Ashikaga, au XIVe siècle, le matcha est utilisé parmi les classes citadines qui en font le centre d’un jeu de société appelé tôcha. Les joueurs doivent goûter plusieurs variétés de matcha et deviner leurs régions de production. Des prix sont attribués aux gagnants. Ce jeu connaît une telle vogue qu'il favorise le développement des plantations. Dans la région de Kyôto, celles des environs du village d'Uji deviennent les plus réputées. Elles le demeurent aujourd'hui.

Par la suite, le tôcha va évoluer. II ne s'agira plus de réunions ludiques, mais où l'on appréciera des calligraphies, des céramiques, des laques, des peintures, des poèmes chinois, etc. Cet aspect des rencontres de thé favorisera aussi plus tard l’essor du propre génie artistique japonais. On peut dire que ce qui deviendra le chanoyu est « la mère » de nombreux arts japonais, y compris l’art des jardins, des bambous et l'architecture, qu’elle soit intérieure ou extérieure.

Vers la fin du XVe siècle, un certain Shukô Murata invente un premier rituel : le wabicha (thé de la tranquillité). Les croyances sont alors clairement mêlées à la pratique. Le wabicha est réputé s’inspirer du bouddhisme zen, mais il emprunte aussi aux cultes animistes de la nature et à leurs rites de purification.

A Osaka, durant la période de Momoyama (seconde moitié du XVIe siècle), un riche marchand nommé Sen-no-Rikyû enseigne le wabicha au taiko (généralissime) Toyotomi Hideyoshi, le véritable maître du Japon de l'époque. Sen-no-Rikyû codifie alors le chanoyu tel qu'il est toujours pratiqué aujourd'hui. Il le dote surtout de ses quatre grands principes : wa (l’harmonie), kei (le respect), sei (la pureté) et jaku (la sérénité). Mais en 1591, Toyotomi ordonne à Sen-no-Rikyû de se faire hara-kiri – pour des raisons d'ailleurs obscures dont on ignore si elles sont liées ou non au chanoyu. Ce drame est le thème du fameux roman de Yasushi Inoue (1907-1991), Le maître de thé, dont deux films ont été tirés : Mort d’un maître de thé et Rikyû.

Plusieurs décennies après la mort de Sen-no-Rikyû, pendant l’ère d’Edo (dynastie des shôguns Tokugawa, 1603-1868), ses arrière-petits-fils reprennent son héritage. Son enseignement se scinde alors en trois écoles, toutes trois situées à Kyôto dans la maison même de ses descendants. Et chacune de ces trois écoles est dirigée par l'un des trois frères compétiteurs : l'école Omotesenke qui signifie littéralement « Maison de Sen de devant », l'école Urasenke, « Maison de Sen de derrière » et l'école Mushanokôjisenke, « Maison de Sen de Mushanokôji » ou, en français : « Maison de Sen de la rue des samouraïs ».

Ces trois écoles demeurent aujourd’hui les plus réputées du Japon. Et l'un des trois descendants directs de Sen-no-Rikyû, M. Sen Sôshitsu, a été le grand maître de l'école Urasenke jusqu'en 2002. Son fils, M. Sen Sôshitsu Zabôsai, a alors pris la relève. Sen Sôshitsu est aussi parent par alliance de l’empereur Akihito. Il est connu des Japonais sous le nom de Sen Sôshitsu XV. Les grands maîtres d'Omotesenke et de Mushanokôjisenke, descendent eux aussi directement des deux autres arrière-petits-fils de Sen-no-Rikyû.

Sen Sôshitsu XV apparaît au début de la vidéo suivante. C'est lui qui a donné le chamei (prénom de thé) de Sôyô, à Nobuko Matsumiya. Sôyô a plusieurs sens. Il signifie d’abord littéralement « Ancêtre de l'occident » ou « Ancêtre de l’océan » (Sô = ancêtre, Yô = occident ou océan). Le troisième sens est celui-ci : le premier idéogramme (Sô) marque la filiation spirituelle directe et la transmission de la connaissance au disciple par le grand maître (Sô est contenu dans Sôyô comme dans Sôshitsu). Selon la tradition, l’attribution d’un prénom de thé atteste de la transmission du secret de la pratique (gokui) par le grand maître.









Ci-dessous, un chanoyu exécuté par la geisha Meihina dans un château-hôtel de luxe de Grande-Bretagne. La musique de fond est une terrible faute de goût des organisateurs : un chanoyu est toujours silencieux.




Depuis Meiji, le chanoyu se pratique aussi quelquefois assis devant une table :




Chanoyu sur table exécuté pour les touristes à Gion Corner, Kyôto :




Un chanoyu peut également se pratiquer en extérieur, soit dans un jardin, soit même en pleine nature, comme le faisaient certains samouraïs pour se préparer au combat. On le nomme alors nodate, litt. « faire le thé dans un champ », que l'on peut traduire par
« cérémonie du thé champêtre ».

Ci-dessous un nodate au temple Ankukuron-ji à Kamakura :




Nodate de Nobuko Matsumiya-Sôyô au temple zen de la Gendronnière, Valaire (Loir-et-Cher) :





Voir aussi notre page 211, Chanoyu (cérémonie du thé) et chadô (voie du thé)

Voir aussi notre page 119, Kyôto : Hakusanso, pavillon de thé

Voir aussi notre page 62, Un Trésor national : le Jo-an, un pavillon de thé

Voir aussi notre page 5, Zen, Taisen Deshimaru et cérémonie du thé



Visitez notre site Chanoyu, le site de la cérémonie du thé

Notre spectacle de cérémonie du thé sur le site d'Artistes Associés - Japon

Conte japonais : Le maître de thé et le samourai sur le site d'Artistes Associés - Japon

Savoir comment se déroule le rituel du chanoyu en consultant l'encyclopédie Omnihilus

En savoir plus sur le déroulement du rituel en lisant un extrait de Chadō, mon roman en chantier

En savoir plus sur le chanoyu en consultant Wikipédia

Page réalisée par Philippe Costa



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